Retour sur le Colloque « Rénover à l’épreuve du climat » organisé par Promodul et le CAH

Le 17 novembre 2025, le Cercle Promodul/INEF4 et le Club de l’Amélioration de l’Habitat (CAH) ont co-organisé un colloque consacré au sujet« RÉNOVER À l’ÉPREUVE DU CLIMAT : Fortes chaleurs, risque ou opportunité pour l’habitat ? ». Cette après-midi d’échanges a réuni environ 200 professionnels et décideurs publics pour partager les premiers enseignements de nos groupes de travail communs et explorer des solutions concrètes face à un enjeu majeur : le confort d’été dans le parc résidentiel existant.

Face aux projections de Météo France annonçant une hausse moyenne des températures de +4°C en France à l’horizon 2100, les chiffres interpellent et témoignent de l’urgence d’agir.

Après un mot d’accueil des Présidents respectifs des deux structures – Arnaud Tractère et Antoine Desbarrières – Lionel Causse, Député des Landes, membre de la Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, et rapporteur du thème « Se loger » du projet de loi « Climat et résilience » du 22 août 2021, a ouvert le colloque. Il a notamment rappelé que  l’adaptation des logements au réchauffement climatique est un triple enjeu : de santé publique, environnemental et de pouvoir d’achat. Le logement constituant le premier poste de dépense des Français.

Le député a souligné l’importance d’une action publique inscrite sur le long terme, combinant recherche, innovation et capacités d’adaptation territoriale pour apporter des réponses localement pertinentes. Il a évoqué sa proposition de loi sur les « bouilloires thermiques », insistant sur la nécessité d’une politique publique stable et coordonnée qui s’appuie sur l’expertise des professionnels : « La politique publique doit s’appuyer sur vos travaux, nous avons besoin de vous ».

Il s’est engagé à rester attentif aux conclusions du groupe de travail pour affiner au mieux les propositions législatives et définir une trajectoire claire vers le bâtiment bas carbone 2050.

Contexte

Depuis plusieurs années déjà Cercle Promodul est engagé sur la question du confort d’été. Dans cette continuité nous pilotons un groupe de travail commun avec le CAH basé notamment sur la mesure 9 « Adapter les logements au risque de fortes chaleurs » du Plan National d’Adaptation au Changement Climatique (PNACC 3), publié en mars 2025.

Il est structuré autour de trois pistes de réflexions et d’actions :

• Explorer les outils de diagnostic existants à développer
• Développer l’adaptation des bâtiments dans les espaces urbains
• Sensibiliser l’ensemble des acteurs

Quelques éléments de détails

Jean-Luc Buchou (Délégué Général de Promodul) et Jean-Pascal Chirat (Délégué Général du CAH) sont revenus sur les premiers enseignements des GT. Ils ont mis en évidence la nécessité de privilégier une stratégie pensée sur le long terme, reposant sur quatre principes fondamentaux :

• Préparation du parc à mieux résister aux épisodes caniculaires présents et à venir
• Combinaison progressive et complémentaire de solutions : protéger, ventiler, isoler, puis rafraîchir
• Approche globale et systémique : cohérence des solutions et de l’usage
• Adaptation aux contextes géographique, climatique et aux caractéristiques du bâti

L’objectif est de définir un véritable parcours de rénovation combinant lutte contre les surchauffes estivales, performance énergétique hivernale et compromis global entre sobriété, confort et santé.

Jean-Luc Buchou a insisté sur la nécessité d’abandonner une stratégie de l’urgence et de la réaction au profit d’une démarche d’engagement structurée. Mais également de favoriser les retours d’expérience et la diffusion des bonnes pratiques entre professionnels pour accélérer l’apprentissage collectif.

Jean-Pascal Chirat est revenu sur la méthode OPERAEU (Opérations de Requalification Architecturale, Environnementale et Urbaine), portée par le CAH et François Pellegrin (UNSFA Paris), qui favorise l’expérimentation à l’échelle de projets pilotes. Cette approche méthodologique priorise une requalification architecturale globale embarquant les dimensions sociales, économiques et environnementales d’un développement durable à l’échelle du quartier. L’objectif spécifique est de réduire les vulnérabilités du parc résidentiel et tertiaire liées aux vagues de chaleur en renforçant la capacité de résilience des bâtiments.

Des outils au service de l’adaptation

A titre d’exemple, deux outils et démarches concrètes ont été présentés pour accompagner les professionnels dans cette transition :

• RITE : aide à la décision pour les professionnels

Présenté par Cédric Lentillon (CEREMA), RITE est un outil d’aide à la décision fonctionnant à l’échelle du logement, destiné à un public professionnel pour anticiper les risques d’inconfort thermique.

• RESPIRE : identifier les causes de surchauffe

Développé par Promodul et présenté par Maher Kazan, RESPIRE est une plateforme innovante d’identification des causes de surchauffe à l’échelle du logement. Cet outil aide les utilisateurs à en comprendre précisément les causes et les sources, permettant ainsi de cibler les interventions les plus pertinentes.

L’équation économique de l’adaptation

Guillaume Dolques (I4CE – Institute for Climate Economics) a apporté un éclairage économique essentiel en comparant trois situations caractéristiques :

1. Dépenses programmées ou subies de prévention/adaptation isolées au niveau de chaque parcelle (bâtiment) et cumulées par quartier
2. Dépenses programmées et optimisées de prévention/adaptation mutualisées à l’échelle de l’îlot ou du quartier
3. Dépenses non programmées et subies, imputées aux aléas climatiques sans mesure de prévention/adaptation préalable

Son analyse révèle que, par exemple pour l’aléa élévation des températures, sans action immédiate et structurée, le parc sera entièrement climatisé d’ici 2050, avec des coûts qui continueront d’augmenter. Il a mis en lumière deux approches radicalement différentes : la sinistralité tendancielle (indemniser et réparer, très coûteuse) versus l’adaptation proactive (en se fixant des objectifs concrets).

L’adaptation est intimement liée à la rénovation énergétique. Au-delà des aspects financiers, ce sont les enjeux de responsabilité qui prédominent. La résilience de la société reposera sur l’ensemble des interactions entre le bâti, le quartier et la ville.

Agir à l’échelle d’un parc résidentiel d’ampleur

Le message est clair : adapter le parc bâti est nécessaire, faisable et bien moins coûteux que l’inaction. Comme l’a souligné Marine Carrat Tournier (Action Logement) : « Chaque année que l’on perd, c’est des coûts en plus ».

Marine Carrat Tournier a présenté la stratégie déployée par Action Logement (un des plus grands bailleurs sociaux du pays) pour adapter son parc à grande échelle. Si l’atténuation a longtemps dominé les débats, il est désormais impératif d’accélérer sur l’adaptation. L’approche privilégie les solutions fondées sur la nature et les usages, avec une attention particulière à la protection des occupants, au maintien du confort et à la continuité d’usage.

Retour d’expérience : le projet Living Attic de Velux

Aymeric Peronnau-Nyssens (Velux) a présenté le projet Living Attic, une expérimentation concrète de rénovation globale avec aménagement de combles d’une maison individuelle de 110 m² (dont 18 m² de combles). L’objectif était de suivre en situation réelle l’évolution de la température dans les combles aménagés selon des critères fondamentaux, protéger, isoler, ventiler.

La campagne de mesures réalisée durant l’été après livraison a démontré l’efficacité des solutions avec des données chiffrées précises :

• Au plus chaud de la journée : la température dans le comble est en moyenne inférieure de 6°C à la température extérieure grâce à l’automatisation de l’ouverture des fenêtres et des protections solaires
• La nuit : la température des combles diminue de 4°C grâce à l’automatisation de l’ouverture des fenêtres, permettant une ventilation naturelle efficace

Cette démonstration chiffrée confirme qu’une rénovation globale (isolation thermique performante et inertie) associée à un aménagement des combles bien conçu et une régulation passive (ventilation naturelle et protections solaires) permet de limiter les élévations des températures intérieures en périodes estivales.

L’inconfort thermique, une réalité généralisée

Sandrine Louit (Association Qualitel) a partagé les résultats du baromètre 2025 sur ce que les Français vivent et redoutent dans leur logement. Les données confirment que l’inconfort thermique estival est devenu une préoccupation majeure et généralisée, touchant tous les types d’habitat et tous les territoires. Ce baromètre souligne l’ampleur croissante du phénomène et la nécessité d’agir rapidement. En savoir plus sur l’ensemble des résultats.

Adapter les compétences aux enjeux du confort d’été

Franck Le Nuellec (CCCA-BTP) a abordé une question fondamentale : comment adapter les compétences des 105 000 apprentis du réseau aux enjeux du confort d’été ? Actuellement, l’adaptation climatique n’est pas encore intégrée dans les référentiels métiers.

La stratégie du CCCA-BTP repose sur trois piliers : l’anticipation (passer de la structure du bâti à l’usage et aux comportements), la sensibilisation (former les apprentis pour qu’ils deviennent ambassadeurs auprès des entreprises formatrices via notamment la création et diffusion d’outils et guides méthodologiques en partenariat avec le Lab Promodul et des ateliers RSE.) et former (créer des blocs de compétences dédiés, des parcours modulaires, et intégrer le confort d’été dans les référentiels métiers, former en situation réelle avec plateaux techniques).

L’objectif : faire des 105 000 apprentis des ambassadeurs auprès des 70 000 entreprises formatrices (majoritairement de moins de 10 salariés). Comme le rappelle Franck Le Nuellec, « c’est par le « faire » que nous changerons les comportements ».

Renforcer la résilience face à l’obsolescence climatique

Laurent Rossez (AIA Life Designers) a conclu en abordant un enjeu majeur : dans le scénario à +4°C (2100), 93% du parc bâti français est exposé à un risque fort à très fort sur au moins un aléa climatique. L’amplification rapide des aléas impose une réponse systémique et urgente.

Laurent Rossez a présenté l’outil CRHAM (Climate Risk & Hazards Adaptation Management) pour gérer l’adaptation aux risques climatiques de manière multicritères, s’inspirant de l’outil européen CRREM utilisé pour la décarbonation. L’obsolescence climatique génère des risques de pertes de valeurs financières (vénales, assurancielles) et extra-financières (usages, environnementales, réglementaires).

La proposition : passer du DPE au DPC (Diagnostic de Performance Climatique) pour évaluer la résilience d’un bâtiment face aux multiples aléas climatiques.

Le groupe de travail RÉHA-DAPT du Plan Bâtiment Durable, qui mobilise 11 laboratoires et bureaux d’études, développe un cadre méthodologique d’adaptation comprenant : étude d’exposition aux 7 aléas climatiques, analyse croisée expositions × vulnérabilités, et objectivation des solutions d’adaptation. Cette approche systémique est essentielle pour éviter l’obsolescence climatique et garantir la pérennité du parc immobilier. Elle fera l’objet d’un guide à paraitre très prochainement.

Cette après-midi d’échanges a réaffirmé que l’adaptation des bâtiments au réchauffement climatique n’est plus une option, mais un impératif. Elle nécessite une approche systémique, conjuguant innovation technologique, évolution des compétences, modèles économiques adaptés et politiques publiques cohérentes. Pas de solution miracle : l’adaptation passe par une combinaison d’actions pensée sur le long terme, adaptée aux contextes locaux et reposant sur la collaboration de tous les acteurs.

Nous remercions chaleureusement tous les participants pour la richesse des échanges et leur engagement à faire avancer ce sujet essentiel. Un grand merci également aux partenaires de cet événement : Renov’Acteurs, la Fresque de la Rénovation et Construction 21 pour leur soutien, visibilité et présence. Enfin, cet événement a été une réussite grâce aux efforts en amont des participants aux groupes de travail et aussi des équipes du Cercle Promodul et du Club de l’amélioration de l’habitat ainsi que Marie Bérenger (Kita Organisation) pour la préparation et l’animation des interviews.