Le 2 décembre 2025 s’est tenue au Parc des Princes la quatrième édition de Bâtir pour le Climat, événement de référence organisé par Le Moniteur et Inoha, et dont Cercle Promodul est partenaire. Parmi les temps forts de cette journée, la table ronde « Massifier la rénovation : du bâtiment au quartier », animée par Julie Nicolas, Chef du service Technique du Moniteur, a réuni Jean-Luc Buchou (Délégué Général de Cercle Promodul), Sébastien Delpont (Directeur d’EnergieSprong France) et Cédric Loret (Président de Nobatek).
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : sur les 31 millions de résidences principales en France, seulement 2 % sont performantes sur le plan énergétique. Depuis 2020, bien que 2,44 millions de logements aient été rénovés, seuls 14 % ont bénéficié d’une rénovation d’ampleur. Un rythme bien trop lent pour atteindre les objectifs climatiques.
Trois freins majeurs identifiés
Les intervenants ont identifié trois obstacles majeurs empêchant la massification de la rénovation énergétique :
- Le reste à charge trop élevé : avec une rénovation globale coûtant en moyenne plus de 50 000 €, le financement reste un verrou majeur, même après aides, pour de nombreux ménages et copropriétés.
- La complexité du parcours de travaux : diagnostic, choix des travaux, recherche d’artisans, montage financier… L’accompagnement progresse, mais reste insuffisamment simple et massif.
- Une filière sous-dimensionnée : les travaux ne sont pas assez dimensionnés pour produire à grande échelle des rénovations globales performantes, par manque de main-d’œuvre formée et de solutions industrialisées.
La rénovation énergétique dépend massivement des aides publiques, créant un modèle économique fragile qui ne peut survivre par défaut. Dans le logement locatif, la multiplication des décideurs et leurs capacités financières limitées complexifient encore davantage les décisions.
Les intervenants ont présenté leurs approches innovantes notamment celle développée par Promodul, Nobatek et leurs partenaires : passer du logement individuel au quartier dit « homogène ».
Pourquoi cibler le quartier et particulièrement le quartier homogène ?
Plutôt que de traiter les logements un par un, l’idée est de cibler des quartiers homogènes sur le plan architectural et sociologique : même période de construction, mêmes matériaux, mêmes usages. Qu’il s’agisse d’un lotissement pavillonnaire, d’une cité ouvrière ou de petits immeubles de centre-ville, cette homogénéité change la donne.
Une enquête menée par le Cercle Promodul auprès des collectivités territoriales révèle que 77 % d’entre elles considèrent réalisable la rénovation énergétique d’un quartier sur leur territoire représentant plus de 7 millions d’habitants concernés. Les acteurs publics identifient également une taille critique de logements à rénover dans un quartier pour mener à bien cette opération : entre 30 logements (31 %) et 75 à 300 logements (27 %).
Les leviers pour transformer l’équation économique
- L’effet volume : en regroupant les rénovations, on débloque des économies d’échelle (achats groupés de matériaux, meilleure négociation des prix, logistique optimisée). Ces économies permettent de faire intervenir des compétences pointues (architectes, ingénieurs, industriels) inaccessibles à l’échelle d’une seule maison.
- La standardisation intelligente : l’homogénéité du bâtiment permet de développer des solutions typifiées et performantes, qui accélèrent et fiabilisent les travaux. Attention : standardiser ne signifie pas uniformiser. L’approche d’agrégation patrimoniale, cette science nouvelle qui documente finement les bâtiments, permet d’identifier les zones à potentiel tout en personnalisant chaque intervention.
- La dynamique collective : quand un voisin se lance et réussit, il devient un démonstrateur qui rassure et motive les autres. Cette ingénierie sociale (acheter avec son voisin, partager un diagnostic, créer une démarche collective) génère un effet d’entraînement bien plus puissant que les incitations individuelles.
- Un nouveau modèle économique : les volumes permettent de mieux négocier avec les banques, de sécuriser les financements, d’optimiser les aides et même d’imaginer des garanties de performance énergétique mutualisées. Le quartier transforme ainsi une multitude de petits projets complexes en une opération coordonnée, efficace et rentable.
Trois tiers de confiance
Pour sécuriser l’investissement et mobiliser les habitants, trois acteurs clés doivent travailler de concert :
- Le tiers technique garantit la qualité des solutions, coordonne les experts et sécurise la performance.
- Le tiers opérationnel (généralement la collectivité) orchestre l’ensemble, simplifie les démarches et pilote le projet.
- Le tiers financier structure les aides, négocie avec les banques et sécurise l’investissement.
Ensemble, ils rendent la rénovation collective simple, fiable et accessible.
Les intervenants ont insisté sur un point crucial : l’industrialisation ne concerne pas seulement les solutions technologiques, mais surtout les approches méthodologiques.
Le hors-site apparaît comme un levier utile pour l’échelle du quartier. Il ne s’agit pas d’opposer 0 % ou 100 % de hors-site, mais de trouver les situations intermédiaires adaptées à chaque contexte, permettant de débloquer les freins logistiques : gestion des déchets, durée des travaux, flux d’approvisionnement, etc…
Les collectivités territoriales, par leur proximité avec les propriétaires et les ménages, peuvent jouer un rôle majeur pour porter ce changement d’échelle. L’enquête révèle que 73 % des structures publiques interrogées sont prêtes à mener une telle opération, tandis que l’autre moitié a déjà entamé la réflexion et demande un accompagnement plus poussé.
Les intervenants ont clôturé le débat avec trois convictions fortes :
- L’innovation est d’abord contractuelle et financière, pas seulement technologique. Il faut repenser les modèles économiques et les mécanismes de financement.
- Arrêter de penser prototype. Pour passer à l’échelle, il faut standardiser et industrialiser les approches.
- Désiloter les politiques publiques au niveau macroéconomique, et améliorer l’interfaçage entre entreprises et particuliers au niveau microéconomique.
La massification de la rénovation énergétique ne se fera pas en continuant comme aujourd’hui. L’approche quartier développée par le Cercle Promodul offre une méthodologie structurée, éprouvée et reproductible pour transformer enfin nos ambitions climatiques en réalisations concrètes.
Le Cercle Promodul poursuit ses travaux sur la massification de la rénovation énergétique et accompagne les collectivités territoriales dans la mise en œuvre de ces nouvelles approches. Un exemple ici avec le développement de RénoCarbone pour l’Agglomération de La Rochelle.