Depuis quelques années, la formation professionnelle connaît une mutation et une accélération dans sa transformation. Les nouvelles méthodes pédagogiques, les outils numériques et les réformes réglementaires instaurent de nouveaux enjeux tant pour l’individu que pour l’entreprise. On estime à près de 430 000 les besoins annuels en formation continue et initiale pour les différentes professions du bâtiment durable [1] (dont 60 000 personnes par an sont de nouveaux entrants dans le secteur du bâtiment – jeunes issus de l’Education Nationale ou des CFA du BTP).
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Formation dans le bâtiment : quels enjeux et évolutions ?
La formation : pourquoi est-ce un enjeu important ?
Pour les entreprises, la formation représente un investissement dans le capital humain et un facteur d’engagement [2] qui doit leur permettre :
- d’assurer la diversité des profils ;
- d’impliquer les collaborateurs ;
- de renforcer leur attractivité ;
- de s’adapter aux mutations de leur environnement ;
- d’être compétitives en renforçant la productivité.
La formation est donc un enjeu capital tant pour les individus que pour les entreprises. Ce secteur connait aujourd’hui une transition numérique qui transforme les pédagogies, les parcours de formation, etc.
Dans le cadre de son rapport « La transformation digitale de la formation professionnelle continue » l’Inspection Générale des Affaires Sociales rappelle justement l’impact spécifique de la transition numérique sur la formation professionnelle continue et également celui de l’ensemble des lois depuis 2004 qui confortent pour l’individu :
- la formation tout au long de la carrière [5] ;
- la sécurisation des parcours professionnels ;
- une plus grande autonomie ;
- une plus grande modularisation et personnalisation des formations.
Rapprocher le monde académique de l’entreprise
Malgré tout, la formation professionnelle connait des freins du côté des individus comme des entreprises. En effet, dans son livre vert, la FFP a repris le témoignage d’entrepreneurs qui reconnaissent deux freins importants [6] :
- le diplôme de la formation initiale qui « (…) reste trop souvent l’unique repère pour le recrutement » et ne suffit plus face aux besoins croissants et réguliers en capacités cognitives et techniques ;
- la fonction formation qui « a été traditionnellement isolée des fonctions stratégiques de l’entreprise (ainsi que) la question des compétences (qui) peine à intégrer les instances de gouvernance ».
Enfin, même si le repère reste la formation initiale, on note que concernant des postes avancés de chercheurs et notamment la valorisation des travaux des doctorants dans les entreprises et des formations doctorales en entreprise, il existe encore des étapes à franchir. Les PME, les PME technologiques, et notamment celles en lien avec le bâtiment durable sont à la traîne. Alors que leur survie en dépend, déplore-t-on à l’UIMM : « Elles ne sont pas assez sensibilisées à la nécessité d’investir dans la recherche. Or, si elles n’innovent pas, elles ne pourront pas faire face à la concurrence étrangère. » [7]
Lors d’une table ronde organisée par l’EHESS Alumni sur les atouts des docteurs pour les entreprises et la fonction publique [8], Philippe Frémeaux, directeur d’Alternatives économiques, a introduit la table ronde en soulignant que le nombre de docteurs diplômés annuellement en France est bien supérieur au nombre de recrutements dans l’enseignement supérieur et la recherche.
Dans ce contexte, il est important d’aider les entreprises à développer de nouvelles modalités d’apprentissage qui puissent amplifier massivement la montée en compétence des acteurs tout en rapprochant le monde académique et celui de l’entreprise et favorisant l’insertion professionnelle des diplômés.
Quelle place à l’innovation ?
Le rapport de l’IGAS confirme que la formation par les outils numériques soutient « l’accessibilité, la fluidité et la personnalisation des parcours de formation (…) en minimisant les contraintes géographiques et temporelles et en laissant augurer, enfin, à moyen terme, des prix à la baisse. »[9]
Il y est toutefois précisé que malgré le gisement d’innovation que peuvent apporter les nombreux outils numériques au monde de la formation professionnelle, « le recours à ces techniques n’est (…) une garantie ni de créativité ni de valeur ajoutée pédagogiques. » [10]
En effet, certaines conditions doivent être respectées pour une réelle valeur ajoutée des modalités numériques, comme une forte mobilisation de l’ingénierie pédagogique, l’évaluation de l’apport des nouveaux dispositifs, la préservation de l’accompagnement humain et de la dimension collective de l’apprentissage. [11]
L’application de ces nouvelles technologies exige des investissements importants en recherche et développement en menant des collaborations actives et croisées entre les différents acteurs concernés tout en priorisant les actions les plus pertinentes. La réussite passera donc par un travail collaboratif où les échanges permettent de co-construire un savoir largement partagé par tous les acteurs. Le secteur du bâtiment est à cet égard un terrain d’étude intéressant à plusieurs titres : diversité des métiers, diversité des populations, diversité des situations de travail, prééminence de connaissances et compétences pratiques liées à la réalisation des travaux. Les axes de développement, d’innovation et de recherches sont nombreux.
Sources :
[1] Pour atteindre les objectifs du Plan Bâtiment Grenelle en 2020 (Plan Bâtiment Grenelle, Comité de filière « Métiers du Bâtiment », publié le 20 décembre 2009).
[2] Livre vert « La formation change de dimension, les entreprises témoignent et proposent », Fédération de la Formation Professionnelle, publié le 18 novembre 2016, page 7.
[3] (Étude ASTREES, Mars 2015), Ibid.
[4] Groupe de travail Terra Nova présidé par Mathilde LEMOINE, « Entrer et rester dans l’emploi. Un levier de compétitivité, un enjeu citoyen », Juin 2014 ». Cité dans le Livre vert de la Fédération de la Formation Professionnelle, page 6.
[5] « La transformation digitale de la formation professionnelle continue », IGAS, publié en Mars 2017, page 11 : « Toute activité d’apprentissage entreprise à tout moment de la vie, dans le but d’améliorer les connaissances, les qualifications et les compétences, dans une perspective personnelle, civique, sociale et/ou liée à l’emploi. » Cadre stratégique Education et formation 2020, Union européenne.
[6] Livre vert, Fédération de la Formation Professionnelle, page 22.
[7] « Le doctorat peine à trouver sa place dans les entreprises », Les Echos, publié le 12 novembre 2014.
[8] Table ronde organisée en septembre 2015, compte-rendu disponible sur le portail Redoc Paris-Est (le réseau des doctorants et docteurs d’université paris-est). Philippe Frémeaux a aussi rappelé que les compétences des docteurs correspondent aux besoins des entreprises et des administrations, qui continuent toutefois à avoir le réflexe de se tourner vers les écoles d’ingénieur, de commerce, ou des concours ad hoc.
[9] « La transformation digitale de la formation professionnelle continue », IGAS, page 4.
[10] « Le postulat selon lequel le numérique changerait d’emblée les apprentissages ou induirait une telle liberté pour l’apprenant que les conditions d’apprentissage en seraient bouleversées est sans doute illusoire », Ibid., page 13. Cf. G Renaud et P Olry « Le formateur et le numérique : conditions d’une rencontre », Hors-série AFPA 2013 La formation à l’épreuve du numérique.
[11]« L’innovation n’est pas seulement technologique. Les entreprises à la recherche de résultats – retour sur investissement (R.O.I.) et retour sur attentes (R.O.E.) – s’appuient aussi sur l’ensemble des dimensions de l’innovation dans l’acte de former : Innovation technologique (tablettes, smartphones, Learning Management Systems, simulateurs, réalité virtuelle, etc), Innovation spatiale (classe virtuelle, forums, learning expedition, showroom, etc), Innovation servicielle (Fab lab, co-working, intrepreunariat, barcamp, etc), Innovation relationnelle (social learning, classe inversée, reverse mentoring, tutorat, etc). » Livre vert « La formation change de dimension, les entreprises témoignent et proposent », Fédération de la Formation Professionnelle, 18 novembre 2016, page 18.
© Crédit Photo : BATISCAF